Un regard parmi d’autres « Smashed »

Tout semblait pourtant si bien aligné en entrant dans la salle…

 

Neuf chaises les unes à côté des autres. Des services à vaisselle, discrètement empilés à gauche et à droite de la scène. Au devant, une trentaine de pommes, à la queue-leu-leu, installées rigoureusement (on apprendra dans le résumé que 80 de ces fruits rouges auront été utilisés au total).

 

Ce jour-là, c’est pour voir un spectacle de cirque jonglé que le public s’est déplacé.

 

Alors lorsqu’arrivent les neuf jongleurs, jeunes et moins jeunes retiennent leur souffle… Classes, les deux femmes de la troupe en petite robe noire et talons, et les cinq hommes enjolivés de costards ou de cravates. Presque anachronique pour un tel art.

Les voilà qui commencent à jongler, marchant en pas chassés, sur une chorégraphie. Similaire pour tous, telle une ritournelle. Les musiques défilent, les tableaux passent et ne se ressemblent pas. Inspirés des créations de Pina Bausch, on les retrouve debout, assis, dansant et entremêlant leurs bras… Rien ne résiste à ces membres de Gandini Juggling Company pour qui l’exercice semble simple comme bonjour.

 

Cet art qu’ils maîtrisent prend gentiment mais sûrement une tournure engagée, actuelle. Les femmes se retrouvent ainsi à quatre pattes, pomme à la bouche, tandis que les mâles s’amusent sur leur dos. Sometimes, it’s hard to be a woman entend-on en fond sonore. Faut-il en rire ou en pleurer ? Ma voisine de droite a décidé, elle rit à gorge déployée. D’autres spectateurs prennent un air plutôt circonspects.

 

Il faut dire que jour-là, c’est pour voir un spectacle de cirque jonglé que le public s’est déplacé.

 

Alors lorsque l’un des membres de la troupe commence à débiter son discours schizophrénique sous fond d’après-midi calme with a cup of tea, on commence à se poser des questions. Lorsque l’étrange personnage se met à déstabiliser les autres jongleurs en les frappant, on se dit que l’on a clairement mis les pieds dans un spectacle singulier. (et je vous passe le tableau de la tentatrice accouchant de ses pommes)…

 

Quant au final ? Que dire si ce n’est que l’on assiste à un pétage de plomb intégral. Sans limites. Sauvage. Fini le jonglage de fruits, les artistes préfèrent les croquer, les jeter violemment jusqu’à explosion. Et ces assiettes, habituellement lancées en l’air avec précision, ne demandent ici qu’à atterrir au sol avec grand fracas.

 

Tout semblait pourtant si bien aligné en entrant dans la salle… Le titre aurait dû nous interpeller. On en ressort quelque peu interloqué.

 

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Aude Haenni -

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