Le spectacle a commencé il y a à peine une minute et je me dis déjà que je n’ai jamais vu des corps bouger comme cela. J’ai l’impression qu’ils sont sous l’eau ; leurs mouvements sont plus fluides encore que les tissus couleur céladon qui les drapent. Ils sont rapides, très rapides, chaque geste est d’une précision absolue, mais leur souplesse efface tout signe d’un quelconque effort physique. Nous sommes très loin des corps denses et torturés de la NDT 2 (Nederlands Dans Theater), notamment dirigés par Marco Goecke ou Edward Clug dont les chorégraphies prennent aux tripes. Ici, les enchainements se font de manière sinueuse, éthérée. Les corps ne semblent pas soumis à la gravité. Il y a quelque chose d’à la fois beau et déconcertant dans ce manque d’ancrage au sol, dans cette absence de lourdeur. Comme perpétuellement parcourus par des ondes, ces corps semblent réagir plutôt que danser avec intention. Les neuf danseurs et danseuses sont là sans être là, entrainé·e·s par leurs mains qui guident chacun de leurs membres. Tout s’enchaine naturellement, comme si chaque déplacement allait de soi, comme si la chorégraphie était une évidence, qu’elle ne pouvait exister autrement que dans cet ordre là, à ce rythme là. Peut-être suis-je encore imprégnée du film de science-fiction que j’ai vu la veille, mais ces corps en transe qui s’effleurent m’évoquent des plantes bioluminescentes dont le système de communication m’échappe autant qu’il me fascine. La musique y contribue certainement. Les sons électroniques rappelant tantôt des cliquetis de baleine, tantôt l’arrivée d’un vaisseau spatial, créent un environnement sonore enveloppant. Seul un morceau de piano s’immiscera dans cette composition, rendant audible la respiration de la troupe et l’impact de pieds sur les planches, comme pour nous ramener sur Terre.