« Les gros patinent bien », Cabaret de carton

Par Marion Brechet - 30.01.2024

D’entrée, les gros patinent bien nous invitent à activer notre imaginaire, à rappeler notre âme d’enfant et ses cabanes en carton sommairement assemblées au milieu du salon familial. Seulement, nous le verrons plus tard, nous ne sommes résolument pas prêts pour cette odyssée encartonnée à la démesure et aux tonalités burlesques qui ont épuisé les zygomatiques de bien quelques spectateurs.

Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois proposent une épopée aux mille périples, des Fjord du grand nord au désert espagnol. Le premier, incontestable dans sa stature, est accompagné du second en homme à tout faire, qu’il soit régisseur ou acteur secondaire, dont les compétences témoignent d’une impressionnante polyvalence. Ce dernier, aussi chétif que l’autre est généreux, se démènera à moitié dévêtu, le pauvre, pendant plus d’une heure, brandissant des pancartes en carton indicatrices de ce qu’elles symbolisent et d’autres boîtes représentant d’avantage d’éléments de l’intrigue. Il s’efforcera donc de nous faire saisir le sens de ce voyage que l’on pourrait imaginer initiatique, mais dont la symbolique a été engloutie par le temps, de sorte qu’il ne reste de cette longue errance que le sentiment d’une quête vitale à la recherche d’un amour préalablement manqué pour ce personnage quelque peu corpulent.

Nous les rencontrons donc au début de l’expédition farfelue d’un imposant narrateur shakespearien s’exprimant d’un idiome aux consonances anglophones. S’il commence par nous poser le décor, que l’autre illustre par divers panneaux flanqués du mot qu’ils incarnent, le cœur de cette pièce ne tardera pas à se manifester : pêchant innocemment dans ces eaux froides, voilà qu’il remonte un poisson pas comme les autres. En effet, bracelets de coquillages aux poignets et perruque de papier, c’est une véritable sirène qui fait irruption dans les bras de notre narrateur opulent. C’est le coup de foudre. Le temps d’immortaliser l’instant, elle s’est faite courser par un orque et la voilà disparue. De là, notre épris enrobé va tout, mais alors tout, traverser pour retrouver sa belle. S’ensuit une myriade de péripéties à la poursuite de sa dulcinée de papier qui réservent autant de surprises au public qu’à l’amoureux éperdu. Un délice du cabaret de carton qui a grandement mérité le Molière 2022 du meilleur spectacle.