Cirque Éloize : Entre ciel et mer

Par Céliane De Luca - 25.03.2024

Le prénom

Je m’appelle Céliane. Aux Îles de la Madeleine, j’aurais jadis porté le nom de Céliane à Line à Colette à Marthe. Ma mère, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère m’auraient tenu chaud, sur cet archipel canadien où un prénom seul était un prénom nu, une bribe d’identité.

Le Cirque Eloize, nous y emmène avec Entre ciel et mer.

Les accents

Le conteur Cédric Landry offre son accent arcadien comme toile de fond. Mais garde à qui y verrait un prétexte pour touristes ! L’accent est décortiqué, comparé à ceux des villages alentours, dans un joyeux monologue. Cédric Landry prend soin de nous « amariner ». C’est-à-dire de faire connaissance, de nous accoutumer au lieu et à ses mœurs. Le groupe de musique traditionnelle Suroît, composé de Madelinots, nous accompagne, harmonisant quatre-cents ans d’histoire.

Mât chinois, corde lisse, jonglage, les numéros de cirque se déposent alors sur ce paysage auditif. Ils se succèdent avec la simplicité d’un spectacle de fin d’année ; un numéro par récit.

Les bras

Au numéro de l’équilibriste sur canne, je m’émeus : lente, vêtue de noir, l’équilibriste se porte sur une main, le visage calme, tourné vers le sol. Elle déplie les jambes, les noue au-dessus de sa tête. Elle ne nous défie pas de nous fier à elle, comme c’est souvent le cas dans des numéros plus vifs, où l’on retient son souffle, mais plutôt, je crois, de nous fier à nous. Sa force inouïe rend un hommage muet aux bras qui se gonflent pour soutenir un corps qui croit en eux, spectacle après spectacle.

La boucle

Debout, les paumes et les plantes des pieds écartelés contre son grand cerceau, une autre acrobate tourne. Cédric Landry l’a dit, elle représente le temps qui passe : « Aux Îles, on dit qu’on n’a pas l’heure, mais qu’on a le temps ». Percevoir le temps comme une boucle, cadrans de montres et rondes des saisons ne se lassent pas de le faire. Pourtant, l’artiste interprète cette métaphore alourdie par l’usage avec une telle candeur que je la découvre comme pour la première fois. À suivre les cercles que le temps trace dans la lumière tamisée, je sens son passage en moi, comme une bouffée d’air marin.

La tendresse

C’est là le secret de ce spectacle désarmant de tendresse : il propose des images connues, celle d’une mariée en blanc, d’un carnaval enjoué, de ciel et de mer, et, plutôt que de les détourner de peur que le public se lasse, il insiste : Regardez nos vies, regardez-les attentivement, et alors, vous verrez les vôtres.