Une chaise et une lampe se distinguent dans la pénombre de la salle du Théâtre de Beausobre. Un petit écran carré surplombe la scène et s’allume discrètement pour laisser place à la photo et voix d’un homme. Celles de Simon Wiesenthal, « Chasseur de nazis » juif autrichien, déporté dans le camp de concentration de Lemberg. Il se présente et rentre directement dans le vif du sujet de son livre pour nous poser la question qui le hante depuis 1942, doit on pardonner l’impardonnable?
Seul sur scène, Thierry Lhermitte, bouleversant et tout en sobriété, incarne de façon poignante les différents acteurs d’un moment (hélas) clé de la vie de Simon. Cet instant où, en juin 1942, un jeune SS mourant, le fait appeler à son chevet et lui demande de lui accorder son pardon pour toutes les horreurs infligées au peuple juif. Le temps lui est compté pour rendre réponse avant que ses bourreaux ne remarquent son absence dans les rangs : « ai-je la légitimité de pardonner au nom de tout un peuple massacré? dois-je saisir cette occasion pour me venger et perdre tout sens d’humanité? Ce pardon n’est-il pas qu’une parole et vaut-il vraiment la peine d’autant se questionner ? ». Ce temps de réflexion est ponctué par les témoignages de ses compagnons de baraquement et philosophes de l’époque.
Le doute s’installe également dans le public.
Pourtant, nous avons certainement toutes et tous disserté sur la question au bar du théâtre avant d’entrer dans la salle:
- « J’aurais fait pareil, j’aurais absolument pas pardonné! ».
- « Il n’était pas légitime pour le faire ».
- « Moi j’aurais peut-être pardonné… je ne veux pas franchir cette limite et garder mon humanité pour ne pas devenir comme eux! ».
Chacun y va de son argument, de sa conscience. La question reste finalement sans réponse au bar et sur scène et continuera à nous remuer le coeur et l’esprit encore bien après.
Et que viennent faire les tournesols, ces Fleurs de Soleil, dans l’horrible histoire de cette guerre? Ce symbole de loyauté qui se tourne vers le soleil et qui pousse ironiquement sur les tombes des soldats allemand mais jamais sur les fosses communes. Leur seul représentation durant la pièce sera un rayon de soleil qui passe à travers les barreaux de fenêtre dans la chambre du soldat mourant. « Et brusquement, j’envie les soldats morts. Je leur envie ces fleurs du soleil qui les relient mystérieusement au monde. ».