Lors de ce week-end, c’est un public nombreux et hilare qui a quitté samedi soir la salle de spectacles du théâtre encore emplie de la légèreté et de l’humour éclatants amenée par la première pièce signée par le comédien français Sébastien Castro.
20 novembre 2021. La salle est comble. Le brouahaha ambiant marque la chaleur et la détente. Les lumières déclinent. Les spectateurs et spectatrices observent soudainement le silence. Un portable sonne sur la scène. Un des airs de chanson populaire française de Véronique Sanson claironne la singulière histoire qui s’apprête à se raconter.
À la 66, rue des Martyrs, le public s’introduit dans les drôles de vies de Guillaume Gauthier et d’un prétendu Youssouf. Tout oppose les deux hommes, du t-shirt imprimé et jeans de Youssouf au style guindé pantalon-chemise de Guillaume, du vieil appartement accueillant et encombré de babioles familiales du premier en contraste à celui de l’allure moderne et froid de l’autre. Néanmoins, deux points les réunissent : premièrement, ils sont voisins et deuxièmement, le mur porteur que Youssouf abat pour récupérer les mètres carrés qui reviennent de droit à lui et à sa famille depuis 1967. Ainsi l’un rencontre l’autre. Guillaume ne fait pas cas de la lutte de Youssouf qui s’en trouve bien heureux. Pourtant, l’homme à l’allure soignée, au tempérament pragmatique et à l’appartement asceptisé attend la conquête d’un soir, Julie, une belle femme au physique de mannequin. Il se retrouve contrarié par l’acte de son voisin désinvolte et véritable catastrophe ambulante, qui garde « Maman », une « personne diminuée » en chaise roulante, parquée dans un coin entre une armoire massive au rideau vétuste et trois étagères de bois suspendues, pour que la fille de celle-ci, Sabine, une femme apprêtée, raisonnable et réservée, puisse aller fêter son anniversaire avec une amie d’enfance. Et pour ne pas plus alambiquer cette création digne de la plume d’un Feydeau, Guillaume envoie malencontreusement à son ex, Christelle, une créature à la forte personnalité et libertaire, un message portant le titre de la pièce : « J’ai envie de toi ». Il n’en faudra pas plus pour qu’elle se joigne ultérieurement à cette délurée et moderne ronde, suivie de Gaël, son nouveau copain nerveux, complexé, aux cheveux gominés et à la barbe impeccable dont la particularité du tic d’expression joue malicieusement avec l’intelligence verbale des spectateurs, complétant ainsi l’air joyeux de l’histoire qui se déroule d’intrigues en rebondissements.
L’antagonisme des personnages, source d’hilarité du public
Répondant aux codes d’un vaudeville aux confusions exquises et aux clichés classiques actuels, c’est sans surprise que l’antagonisme des personnages suscitent l’hilarité des spectateurs et spectatrices. À l’exemple d’un Youssouf qui semble d’une bonhommie et d’une lenteur cognitive qui a plié le public de rire face au pragmatisme, à l’impatience et la vivacité d’esprit de Guillaume ou à la différence marquée entre une Sabine inscrite dans le politiquement correct face à une Christelle affirmée et affirmant briser les codes, l’effet est immédiat sur le public qui ne manque pas d’applaudir des scènes qui le ravissent.
« Maman », le personnage qui excelle sans faire de bruit
« Maman », c’est la fictionnelle dame de 4ème âge délaissée et maltraitée par de comiques rebondissements lorsque les spectateurs et spectatrices ne s’y attendent guère. Le personnage a été mobilisé avec justesse, suscitant l’émotion du public. On retiendra l’ingénieuse idée de la ranger aux côtés des nombreuses autres babioles de l’appartement de Youssouf, permettant ainsi au public de l’acquérir comme telle, passant ainsi d’un statut d’objet vivant à celui de nature morte, jusqu’à l’ultime rebondissement du spectacle. Par ce biais, le public, parmi lequel figure un certain nombre de personnes aux cheveux blancs, rit de ce fait sociétal ancré parfois d’une certaine brutalité.
Une création moderne et dynamique
« J’ai envie de toi » est une pièce moderne et dynamique où la scénographie s’accorde harmonieusement au mouvement des comédiennes et des comédiens dans l’espace. Les acteurs et actrices ont porté la pièce au rythme d’un jeu endiablé, entraînant avec elles et eux le public d’une main habile. Tapant du pied sur la scène du théâtre, claquant les portes, virevoltant, elles et ils ont su être récompensé.e.s pour leur performance avec les rires « à gorge » des spectateurs et spectatrices. Sébastien Castro est d’une délectable désinvolture dans le rôle du prétendu Youssouf. Cette première création qu’il signe est un succès : les acclamations du public à la fin de la pièce en témoignent. En finalité, il semble élégant de dire qu’il est uniquement regrettable au fin mot de cette amusante péripétie que Guillaume Gauthier ait « fait chou… » (blanc J).