Difficile d’être objective quand, dès les premières minutes de la pièce, je me suis dit : « Ah ben tiens… on dirait moi ! » Michèle Laroque incarne une voisine psy brillante, jugeante, “un peu” condescendante, qui balance des piques avec élégance et intelligence à son pauvre voisin de palier. Elle analyse tout, surtout lui, ce type un peu gauche (et de gauche), qui vend des yaourts et écoute, sans le savoir, de la musique nazie à plein régime. Tout les oppose. Et pourtant…
Grégoire Bonnet joue ce fameux voisin de palier un peu rustique, simple mais pas idiot – et surtout attachant. Elle est cérébrale, il est instinctif. La pièce s’ouvre avec son premier “défaut” : il ne sait pas qui est Anton Bruckner, qu’il écoute pourtant à fond. Et alors ? Je l’ignorais aussi avant cette pièce.
Après avoir toqué à sa porte pour la première fois, la voisine se lance dans une psychanalyse de chaque mot, chaque geste. Elle le juge un peu vite, certes… mais au fond, n’est-ce pas sa façon à elle de s’y intéresser ? Petite pique par-ci, gros sarcasme par-là… elle applique ma technique de drague. Celle qui, pour ma part, ne marche jamais. Mais ici, visiblement, si.
La mise en scène est minimaliste, sans porte physique, mais jouant sur des jeux de lumières chaudes ou froides. Et cette fameuse « porte à côté » devient alors bien plus qu’un élément de décor : un symbole. Celui d’un amour qu’on repousse avant d’oser le franchir. Ils oublient leurs clés, le four ne marche pas, un courrier se perd… autant d’actes manqués qui, en réalité, leur ouvrent une autre porte : celle d’une relation improbable, mais touchante. On devine très vite où tout cela va nous mener. Mais ce n’est pas le si, c’est le quand et surtout le comment qui font tout le sel de cette pièce.
Les dialogues sont savoureux, les clichés volontairement poussés à fond, et les moments de bascule entre chamailleries et complicité sont parfaitement dosés. La Porte à côté, c’est cette histoire qu’on connaît tous un peu : deux personnes que tout oppose, qui se cherchent, se font sortir de leurs gonds… et qui, au fond, étaient faites l’une pour l’autre. Avec un jeu juste, drôle, et d’un naturel parfois déconcertant, Michèle Laroque et Grégoire Bonnet nous embarquent dans une heure trente de ping-pong verbal où, entre deux claquements de porte, on se dit peut-être : « Tiens, et si cette histoire ne tenait qu’à une porte ? »
L’amour n’est pas si compliqué. Il est juste parfois… coincé derrière une porte. Et il suffit d’égarer ses clés pour le retrouver, là, à attendre de l’autre côté. Pour ma part, ça risque d’être compliqué… j’ai pas de voisin de palier…