Le Gala des Étoiles de Cuba

Par Sabine Regenass - 17.11.2024

Le Gala des Étoiles de Cuba, c’est bien plus qu’un simple spectacle : c’est une promesse d’évasion, mais pas à Cuba, contre toute attente. Sous la direction de Catherine Zuaznabar et de l’association Proyectos Intercambios Culturales, dix danseurs et danseuses ont embrasé la scène de Beausobre avec énergie et grâce. Imaginez une rencontre explosive entre le classique et le contemporain, où chaque pas, chaque geste raconte une histoire avec passion et audace. Pour la première fois en Suisse romande, ces danseuses et danseurs internationaux ont offert une mosaïque de performances émouvantes et surprenantes. 

Le programme mêlait des références intemporelles comme La Belle au bois dormant, Don Quichotte, Le Lac des cygnes ou encore Diane et Actéon, avec des créations contemporaines signées par des chorégraphes et danseurs cubains, dont Miguel Altunaga et Abel Rojo Pupo. Une diversité qui a su captiver un public. Et, contre toute attente, sans trace de salsa cubaine, je sais le cliché…   

La soirée s’est ouverte sur une pièce contemporaine audacieuse et musclée, In Sight. Portée par un danseur sculptural, taillé comme une statue gréco-romaine, cette chorégraphie révèle des muscles insoupçonnés, presque hypnotiques. Fidèle à son nom, cette œuvre offre une vue inédite sur : les corps, l’effort et la puissance physique de la danse.  

Sans transition, nous voilà transportés dans le romantisme classique du Lac des cygnes. Puis, en un clin d’œil, la scène vibre au son d’Édith Piaf avec un pas de deux empreint de légèreté et d’amour, en contraste poignant avec la mélancolie des paroles de la chanson, pour celles et ceux qui les connaissent.  

Après cette parenthèse émotive, Memoria de Miguel Altunaga prend le relais. Création contemporaine vibrante où pulsations et mouvements électrisent l’audience, marque l’un des temps forts de la soirée, à mon goût.  

Après l’entracte, Catherine Zuaznabar illumine la scène avec Manantial. Seule, portée par des percussions envoûtantes évoquant les murmures d’un cours d’eau, elle inonde le public de sa grâce fluide et magnétique. Chaque mouvement semble jaillir avec une intensité naturelle, captivante. Mais rapidement, la douceur cède place à une passion brûlante avec Libertango in Love. Ce tango sensuel embrase la scène, faisant grimper la température et plongeant l’audience dans un tourbillon d’émotions.

Puis vient l’inattendu : The Audition d’Abel Rojo Pupo. Cette pièce, à la fois drôle et introspective, nous ramène dans un cours de danse classique où une voix off douce mais exigeante de professeure classique répète inlassablement : « Lift, lift, legs behind us, 1, 2, 3, 4, keep moving! ». Une satire des rigueurs de l’apprentissage où le danseur, loin de reproduire des pas classiques, improvise, chute, se relève, et se traîne au sol, symbolisant l’épuisement des danseurs. À contre-courant des conventions, il illustre ce combat intérieur que tous les danseurs et danseuses classiques connaissent, jusqu’à finir par saluer et sourire, comme si tout allait bien.  

Le Gala des Étoiles de Cuba, c’est ce moment où la scène devient un lieu de rencontre entre des univers opposés mais complémentaires. On y célèbre la grâce brute et la technique affûtée, la fougue et la délicatesse. C’est un grand écart, au propre comme au figuré, entre les chefs-d’œuvre intemporels et les créations qui bousculent. Et surtout, c’est un hommage à la danse comme langage universel, capable de traverser toutes les frontières – géographiques, culturelles ou émotionnelles.