Dès l’ouverture, Smile séduit par son parti pris esthétique. Le noir et blanc, omniprésent, ne se limite pas à un effet visuel mais devient un langage à part entière. Les décors, les maquillages et les costumes, tous forment un tableau vivant où chaque détail rappelle les premières heures du cinéma. Sur scène, les contrastes sculptent l’espace avec une précision quasi picturale, évoquant les films muets de Chaplin et les ombres des débuts expressionnistes.
Le noir et blanc n’est pas qu’un hommage nostalgique : il sert aussi le propos, nous immergeant dans un monde où l’essentiel s’exprime sans artifice, par le jeu des corps et la puissance des regards.
Nicolas Nebot emprunte ici au cinéma bien plus que son esthétique. Les ralentis, flashbacks, et accélérations évoquent le montage des films muets et donnent à la pièce un rythme à la fois fluide et surprenant. Ces procédés traduisent peut-être l’introspection du jeune Charlie Chaplin, partagé entre son ambition artistique et ses tourments personnels ? Comme dans un vieux film rembobiné, le spectateur assiste à des scènes répétées et pourtant uniques, où chaque détail apporte sa nuance émotionnelle dans ce tout bichromatique.
Alexandre Faitrouni livre une prestation remarquable en jeune Chaplin. Avec sa gestuelle précise et une émotion palpable, il capte à la fois l’essence du mythe et l’humanité d’un homme encore en devenir. Face à lui, Éléonore Sarrazin et Dan Menasche, éblouissants, prêtent vie à des personnages empreints de sensibilité, dans cet univers où réalité et fiction s’entrelacent, avec une justesse et une intensité qui ont le don de faire briller les yeux.
Le jeu des acteurs évoque les codes du cinéma muet sans jamais tomber dans la caricature. Cette fusion entre naturalisme et artifice donne à la pièce une tonalité singulière, à mi-chemin entre le théâtre classique et l’expérimentation visuelle.
Au-delà de son hommage à Chaplin, Smile semble explorer des thématiques universelles : la quête de reconnaissance, les premiers émois amoureux, cette tension extraordinaire entre rêves et réalité. À travers la figure de Chaplin, la pièce parle à ceux qui, un jour, ont douté d’eux-mêmes ou rêvé d’un avenir plus grand. Un rendez-vous dont la poésie n’a laissé personne indifférent.