Représailles

18.11.2016

Pour préserver la surprise, j’avais décidé de ne rien lire à l’avance sur le spectacle qui se jouait ce soir. Enfin, je savais qu’il s’agissait d’une comédie, une histoire de couple si l’on en croyait la photo du programme et le titre qui en disait long : « Représailles ». Un couple campé par Michel Sardou et Marie-Anne Chazel, dans cette pièce écrite par Éric Assous et mise en scène par Anne Bourgeois.

C’est donc ouverte à tous les scénarios que je me suis calée sur mon fauteuil parmi les spectateurs, souvent eux-mêmes venus en couple pour regarder par le trou de la serrure les mésaventures de ces deux icones de la scène française, unis par les liens sacrés du mariage, le temps d’un spectacle. Alors que secrets honteux et nuisettes jaillissaient des tiroirs et des albums photos, je me suis félicitée de ne pas avoir « triché », car la curiosité ne m’a pas quittée. Et ce, malgré la trame plutôt prévisible : Francis (Michel Sardou) et Rosalie (Marie-Anne Chazel) sont mariés depuis de longues années, ainsi que les heureux parents d’une fille unique et adorée, Mélissa, qui vient de s’unir à l’homme de sa vie. Mais lorsque les maîtresses de Francis se mettent à apparaître, la situation semble sans issue pour les deux protagonistes… Jusqu’à ce que Rosalie décide de se venger.

Tout en répliques ironiques, « Représailles » posait la fameuse question : un mariage solide peut-il résister, lorsque l’adultère vient lézarder ses murs ?

Pour y répondre, il y avait tout d’abord Michel Sardou, l’Homme avec un grand « H » : allure fière, tempes argentées et mauvaise foi désarmante. C’est toutefois sans hésitation pour Marie-Anne Chazel que j’ai eu un coup de cœur. Elle était délicieuse en épouse délaissée, tentant de ranimer la flamme de son cher et tendre, toutes gambettes de nymphette dehors. Et puis défilait sur les planches une galerie de personnages rocambolesques : deux fans de Julien Clerc liés en secret, des pères qui n’en sont pas (quoique ?), un sosie vieillissant de Kim Wilde et un jeune marié aux mœurs insoupçonnées.

La petite ombre à ce tableau, somme toute amusant et joué avec panache, était sa teinte à mes yeux quelque peu sexiste et vieux jeu : on pardonne toutes les coucheries au mâle de la maison, considérées comme de réprimandables mais anecdotiques récréations ; tandis que les femmes, qui ne quittent par ailleurs leurs talons aiguilles que pour passer une robe de chambre rose, se doivent d’être irréprochables, puisqu’elles ont l’effronterie de risquer de tomber enceinte de leur amant. Sans le deuxième degré omniprésent, on aurait donc pu avoir peine à croire que cette pièce ait été écrite en 2015.

Ni épouse, ni mère, ni maîtresse vampirique d’un riche homme marié, ni groupie de Julien Clerc, je n’ai donc pas réussi à me projeter dans ce vaudeville moderne et à le savourer comme il se doit, malgré quelques sourires. Mais peut-être était-ce une histoire de générations, car la salle, enchantée, s’est levée pour applaudir les stars, avant de bruisser d’enthousiasme jusque dans la rue.

Céliane