Comment écrire une chronique en toute objectivité à la hauteur d’un Edouard Baer frappé par la grâce…une grâce pas si soudaine.
Bien sûr il serait plus simple de vous inciter à aller voir la pièce ou à lire le livre. Cela empêcherait au syndrome de l’imposteur de s’immiscer dans l’écriture de ce texte au même titre qu’il s’est invité dans l’esprit de l’artiste et de son spectacle. Syndrome qui l’obligea à fuir son propre rôle pour se réfugier, à notre plus grand plaisir, dans le dernier bar avant la fin du monde.
Un brin ébouriffé (et qui, d’ailleurs, s’ébouriffera au fil de la pièce), une voix grave et suave reconnaissable entre mille, de petits yeux remplis de malice, Edouard Baer presque éberlué, déboule par la salle, surprenant ainsi un public sage et concentré mais un tantinet fébrile.
Edouard scrute, analyse la salle, le public. Comme perdu, il cherche des regards bienveillants. Courage ne fuyons pas, il se cherche. Je lui aurais bien cédé mon siège, ou celui de mon voisin plutôt, pour qu’il retrouve ses esprits mais très vite il entame avec le charme et bagou que nous lui connaissons, ses divagations somme toute rationnelles.
C’est donc avec verve, intelligence et un cynisme tout à fait pragmatique, qu’il se lance sur le discours de Malraux au Panthéon, s’émerveille sur le talent de communication d’une seule personne sans micro face aux 800’000 soldats de l’armée napoléonienne, et, sans transition, passe par des imitations des Jean Rochefort et Gabin répondant à un faux téléphone qui ne cesse de sonner. On frôle un absurde presque cohérent.
Un interlude musical tout à fait inattendu, voire saugrenu, viendra amener un peu de légèreté après de pesantes réflexions existentielles avec Bukowski. Mais non! Jamais nous ne balancerons Edouard à son agent! Impossible de se passer de son charisme. Assoiffés, nous buvons ses paroles jusqu’au dernier mot.
C’est les zygomatiques et les neurones rassasiés par ses élucubrations que nous, public tant redouté dans l’autre salle, nous levons pour ovationner, sans refus d’obstacle, le talent et la grâce de cet orateur manipulateur.