Le Misanthrope de Molière

Par Marine Humbert - 21.02.2020

Depuis juin 1666, on joue le Misanthrope de Molière. Un classique, que le parterre de Beausobre venait voir ou revoir 355 années plus tard. -Un familier des écoles aussi: dans la salle, un collégien concède qu’il est venu goûter au vrai jeu d’acteurs pour ne pas devoir s’astreindre à la lecture imposée par son professeur.- Le public s’attendait donc ce soir-là à du traditionnel. Et il a été servi. L’audace n’était pas au rendez-vous dans la mise en scène de Peter Stein. Mais n’y voyez pas là une critique. Des costumes ravissants, un décor sobre, composé de boiseries et d’une galerie de glaces, qui ne laissent aux acteurs aucune échappatoire.

Un choix épuré qui permet au spectateur de se concentrer sur l’élégance des vers, le sarcasme, et l’ironie des dialogues de Molière: « L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne, la fourbe a de l’esprit, la trop grande parleuse est d’agréable humeur, et la muette garde une honnête pudeur », lance Eliante/ Manon Combes à propos des amants qui comptent les défauts pour des perfections dans l’objet aimé. Des vers qui font jubiler le public, tout comme le jeu d’acteur particulièrement réussi de Lambert Wilson et Jean-Pierre Malo.

Les dernières scènes s’avèrent particulièrement fortes, notamment lorsque Celimène/Pauline Cheviller tend son cou nacré au bourreau d’Alceste, comme une reine que l’échafaud menace. Le final, lui se veut explosif. Un bruit assourdissant fait sursauter le parterre de Beausobre et dévoile une porte surmontée par un panneau moderne «Sortie», que les contemporains de Molière n’ont jamais connu de leur vie. Un éclair de fantaisie, une modernité bienvenue, qui diffère avec le déroulé initial de la pièce.

Cette porte s’ouvre sur un désert dont on aperçoit au loin les dunes joliment dessinées. Une destination que choisit d’emprunter un Alceste sans espoir, qui préfère fuir l’approche des humains.

Marine Humbert