Tout ce que vous voulez

Par Aude Haenni - 30.01.2018

A son bureau, dans ce bel appartement parisien, Lucie, dramaturge à succès, écrit. Ou tout du moins essaie. Thomas, le voisin du dessous, toque à la porte. « Il pleut dans mon salon ! »; la faute à la baignoire, explique-t-elle promptement. Une première rencontre qui ne dit rien qui vaille. Elle, antipathique au possible. Lui, bien encombrant. La porte claque. Le rideau se ferme. Les scènes, de quelques minutes à peine, s’enchaînent. Sur les planches, les mois passent… Les rayons du matin à travers les fenêtres font tour à tour place au soleil couchant, aux orages ou à une nuit de lune scintillante, grâce à un habile jeu de lumières.

Pendant ce temps-là, la relation des deux protagonistes s’installe. D’un rapport extrêmement froid – de par une Lucie elle-même « froide et cassante » – les voilà qui vont se livrer, autour d’un verre de vin, d’une blanquette de veau… Entre des souvenirs d’enfance et le décès d’une épouse « emmerdeuse », on apprend que l’écrivain a trois mois pour écrire sa pièce, déjà programmée au théâtre. Elle qui puise habituellement dans son quotidien n’a rien à dire, la faute à une période trop heureuse. Pour Thomas, fiscaliste enjoué, la solution est simple : il n’y a qu’à inventer des histoires. Aussitôt dit, aussitôt fait ! La femme devient subitement ruinée, et trompe son comédien de mari. Mensonges après mensonges, Lucie jubile des réactions exacerbées de son conjoint. Elle ne pense qu’au manuscrit, au rôle de toute une vie. Alors que le

voisin du dessous la dissuade d’aller plus loin, le public voit lui aussi venir l’issue de ce petit jeu…

Spoiler : évidemment, le mari la quitte, et le voisin du dessous, ayant découvert que son personnage et celui de son épouse étaient intégrés dans la pièce sans avoir donné son accord, exprime violemment son mécontentement, et déménage. Radical, dramatique.

Effet étonnant, les personnages incarnés par Bérénice Bejo et Stéphane de Groodt disparaissent le temps d’une scène, remplacés par un écran. Il s’agit de la pièce dans la pièce, acte final. La fiction qui rejoint la réalité. Ou le contraire. Le public de Beausobre applaudit trois comédiens sur papier, avant que Lucie et Thomas réapparaissent pour un final poétique romantique.

Stéphane de Groodt, drôle et émouvant et au bénéfice d’un énorme capital sympathie, offre une prestation tout simplement juste. Bérénice Bejo, surjouant la femme agacée et excitée durant une bonne partie de la pièce, se détendra heureusement avant qu’arrive le vrai baiser de cinéma que tout le monde attendait.

Aude